LA NOIRE DE... d'Ousmane Sembène
Séance suivie d'une discussion autour du film / 5€ pour les moins de 26 ans
Sculpté dans la lumière, aveuglant de simplicité avec ses personnages de monstres et sa Côte d’Azur en noir et blanc, La Noire de… est pensé pour édifier le plus grand nombre. A l’image, Diouana encaisse les humiliations sans broncher. Elle troque ses belles toilettes contre un tablier, astique l’appartement du matin au soir, cuisine pour des convives qui se répandent en vulgarités racistes, se laisse dépérir au lit, dépossédée d’elle-même, prisonnière. Un masque accroché au mur la dévisage, celui qu’elle a offert à ses patrons en entrant à leur service. Parfois, on jurerait qu’il lui parle–ou est-ce parce que Dahomey de Mati Diop est passé par là en 2024,restaurant la mémoire des objets de la colonisation, que l’on a désormais la berlue ?En voix off (dans un français dénué d’accent), le film nous restitue les monologues intérieurs de Diouana, manière de réparation pour une héroïne muette. Nous sommes dans le cerveau de l’employée de maison, c’est-à-dire aux premières loges de la brutalité de classe décuplée par la violence néocoloniale. Avec son possessif incertain, La Noire de…, titre en suspension, ressemble à celui d’une oeuvre hantée, malade d’une tragédie courue d’avance. - Sandra Onana - Libération